La Loge espace de projections d'intentions
Les officiers de la Loge ne sont élus sur un programme, sur un avoir à faire mais sur un avoir à être. Ils ne s’engagent pas en vertu d’options profanes.
Ils sont choisis en vue de perpétuer l’Institution, de lui assurer, dans toutes les circonstances, l’équilibre nécessaire et de conserver rigoureusement le respect de la liberté de chacun qui a consenti à entrer dans un ordre, c’est-à-dire à obéir à une règle qui est celle des règlements généraux et du rituel pratiqué par l’atelier.
Ici tout est symbole et les offices sont aussi symboles. Ils témoignent pour la Loge et la Loge témoigne et enseigne.
Elle témoigne pour le cosmos, dans le temps et dans l’espace. Orientée du zénith au nadir, de l’occident à l’orient, du nord au sud, de midi à minuit dans les loges bleues. C’est la totalité de l’espace qui, par un jeu de correspondances, rétablit le maçon entre équerre et compas, dans l’unité de l’univers.
C’est dire que celui qui est en tenue est comme le tout, il n’en est pas séparé et devient l’Homme de la Loge orienté et donc sorti du chaos.
À l’occident, c’est l’énergie vitalisante des deux colonnes, binaire primordial où réside d’un côté le double mouvement de la descente élucidante et de l’ascension sublimante de B\, de l’autre côté, la transversalité élargisante de J\(au Rite écossais ancien et accepté), l’une fécondant l’autre pour donner la croix.
À l’orient, le but à atteindre, le Delta, clef de voûte de l’édifice. La Loge est toute entière à parcourir pour trouver le chemin qui mène de l’occident à l’orient, du monde visible au monde invisible éclairé à la Lumière elle-même. Le maçon se construit lui-même comme une loge pour y parvenir.
Je ne sais qu’épeler, dit l’apprenti. Chaque lettre est un monde pour celui qui veut comprendre, chaque mot un univers. Lire lettre après lettre, c’est sentir la cosntitution des choses, appréhender l’espacement, le silence mais surtout le lien qui existe entre chaque lettre. La lecture ainsi stratifiée spacialise le texte, l’ouvre en significations, le libère de sa pesanteur. Les offices sont aussi des lettres qui structurent le mot « temple ». Il faut apprendre à le lire et à l’écrire en soi. Le temple est un transmuteur qui élève l’homme à hauteur d’Homme en lui indiquant par son exemple à suivre, la transmutaion possible par ajustement et assimilation à l’œuvre conçue comme la représentation du cosmos et des éléments qui le composent. Les rituels nous disent explicitement que la loge est un temple vivant.
Le décorum, les rites, les déambulations, la gestuelle, la place des officiers sont primordiaux et s’imposent comme données cosmiques pour obliger le maçon à quitter le monde profane (être un mondain) et s’intégrer dans un espace/temps sacré. C’est l’exigence d’une participation à une édification sans cesse détruite mais renovelée du temple-homme. C’est pourquoi, il est aussi appelé à être un bâtisseur.
Pour Mircea Eliade, l’homme des sociétés pré-modernes aspire à vivre le plus près possible du centre du monde. Il sait que son pays se trouve effectivement au milieu de la Terre, que sa ville constitue le nombtil de l’univers et surtout que le temple ou le palais sont de véritables centres du monde, mais il veut surtout que sa propre maison se situe au centre et soit une imago mundi.
Le temple maçonnique est un centre d’union mais surtout un centre centrifuge, aussi je dirai avec Robert Opphenheimer : notre vie ne sera pas facile. Il faudra lutter pour apprendre, sans nous désintéresser de celle du monde, à cultiver notre sens personnel de la Beauté, tout en restant capable de le percevoir dans ce qui nous est le plus étranger, à protéger les fleurs de notre jardin des grands vents qui balayent la surface d’une terre sans frontière, mais telle est la condition d’Homme.
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